Démence, maladie mentale, gériatrie : comment l’envisager dans la philosophie de la santé communautaire ? juin 2019

Dans les établissements accueillant des malades mentaux, des handicapés mentaux vieillissant, ou des personnes "démentes", la règle est de traiter les "troubles du comportement" considérés comme des manifestations de la maladie. Plus : n’importe quel symptôme, attitude, comportement, mot d’un malade va être ramené à son diagnostic, même porté il y a plusieurs dizaines d’années. Le "résident-patient-malade"est enfermé dans une circularité de son diagnostic (cf. Robert BARRETT, la traite des fous). Cela a d’énormes conséquences : c’est au malade de s’adapter à l’organisation "existant pour son bien", et toute velléité d’autonomie par rapport à l’organisation est considérée comme faisant partie du tableau, exactement comme dans l’ASE où les parents sont requis d’accepter, d’internaliser les décisions administratives concernant leurs enfants. CANGUILHEM le faisait remarquer (le normal et le pathologique) : la maladie nous conduit à ne plus pouvoir satisfaire à certaines normes sociales, et est donc un autre état normal, ce qui fait que c’est au malade d’être normatif car c’est lui-seul qui peut déterminer son projet de vie.

Que devons-nous faire pour ces personnes ? Les soigner, les accompagner ?

Les soigner, ce serait tenter, par l’entremise médicale, de les réintégrer dans la norme. Les accompagner, c’est leur permettre, avec leur concours, de créer leur propre environnement apte à supporter leurs nouvelles normes. Autrement dit, en approche classique, la médecine contribue à adapter le patient au monde, à l’organisation, à l’institution dans lesquels il se trouve. En approche communautaire, l’enjeu est l’accompagnement du projet normatif de la vie du patient. Un projet de vie qui serait normatif à la place du résident (vous devez faire ceci ou cela) ne serait plus un projet de vie, mais une extension du projet médical. Cela rejoint notre préoccupation liée à la déprescription médicamenteuse (voir article suivant). En santé communautaire, c’est à l’organisation de s’adapter au patient et non l’inverse.

L’article publié sur le blog l’âge la vie tente de dresser les raisons et les conditions d’une évolution des pratiques psychogériatriques. L’émission de la radio suisse était consacrée à la maladie d’Alzheimer, et mes interventions tentent de faire remarquer à quel point il serait bon pour la santé de ces personnes d’arrêter de ne les voir que comme porteuses de pathologie, comme un manque, en oubliant la vie.

Liens pour l’article : https://ehpaddecote.wordpress.com/2..., https://ehpaddecote.wordpress.com/2... et https://ehpaddecote.wordpress.com/2...

Lien pour l’émission l’écho de vacarme : https://www.rts.ch/play/radio/vacar....

Voilà ce qu’en dit Fabienne, auditrice qui m’a envoyé ce message :

Bonjour Docteur Bass,

Je me permets de vous écrire ces quelques lignes pour vous remercier de votre intervention lors de votre passage à la radio suisse (reportage Alzheimer). J’ai beaucoup apprécié que vous parliez des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer comme des personnes à part entière et non comme des cas *cliniques* si j’ose me permettre. Je trouve formidable que vous ayez mis en place une structure dans votre EHPAD pour que ces personnes qui se retrouvent bien malgré elle dans leur monde se sentent mieux.

Ne vous méprenez pas mon époux est très bien suivi par ces 2 médecins qui prennent le temps de nous écouter nous avons cette chance, malheureusement ils n’ont pas encore de solutions pour stopper cette dégénérescence cognitive si ce n’est la stabilisation dans l’évolution de l’oubli.

Le plus difficile est de le voir perdre ses capacités cognitives dans le quotidien sans pouvoir ne rien faire si ce n’est l’accepter tant bien que mal.

Merci d’avoir pris quelques minutes pour me lire.

Bien à vous

Fabienne (témoignage diffusé pendant l’émission)

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