Prévention et pédagogie dans la conduite automobile, une approche en Promotion de la Santé. DF. 2004 ; pour le CYES 78. Didier FAVRE

PREVENTION ET PEDAGOGIE

Intervenir dans une perspective de promotion de la santé,  pour la prévention des conduites à risques et l’éducation à la santé auprès de jeunes adultes dans le cadre de l’enseignement de la conduite

INTRODUCTION

La prévention : classiquement, la notion de Prévention en santé (agir avant qu’un problème ne survienne et donc anticiper une situation « connue » ou un problème que l’on sait devoir rencontrer) repose sur un adage ancien de simple bon sens : « mieux vaut prévenir que guérir ». Tant il est vrai qu’il est plus efficace et moins coûteux d’empêcher la survenue d’un « mal » que de chercher à en réparer les dégâts. D’autant plus qu’il est parfois impossible de revenir en arrière quand l’irréparable s’est produit – et dans notre cas, il ne s’agit pas que de notre seule vie mais aussi de celles des autres : passagers, piétons, autres conducteurs, etc. 

La pédagogie : il y a donc des stratégies à mettre en œuvre, que nous appellerons pédagogiques. Il s’agit de trouver les moyens de sensibiliser au mieux le public concerné par notre action, de transformer ses « représentations » et orienter positivement son comportement de citoyen et futur conducteur.

PREVENTION ET SANTE

Comme enseignant de la conduite, pour faire de la prévention, que faut-il viser ?

Que cherche-t-on à atteindre ?

La perspective d’une prévention efficace vise donc à protéger l’individu et le groupe d’une conduite dangereuse pour soi et autrui avec les conséquences dramatiques que l’on connaît – mais dont nous estimons tous le plus souvent être à l’abri. Car selon une croyance commune et bien partagée, le mauvais conducteur, c’est toujours l’autre.

Dans notre action pédagogique de formateur, nous allons donc tenter « d’influencer » dans le bon sens un « apprenant », en lui donnant les moyens d’ajuster son comportement par des connaissances adaptées : c’est le sens même de la pédagogie.

Voici présenté quelques repères pour aider le formateur dans son action éducative et pédagogique.

PREVENTION ET PROMOTION DE LA SANTE

Se repérer : qu’est ce que la prévention ?

 

La prévention : un ensemble de moyens :

Nous vous proposons de développer ces différents niveaux de la prévention comme suit :

  • Promouvoir la santé globale (prévention primaire) c’est développer une attitude face aux risques, à la vie et d’une certaine manière développer une idée du monde et des valeurs qui peuvent (ou doivent) se diffuser au cours de l’enseignement de la conduite. Il s’agit bien de savoir que l’on s’engage ici dans une relation avec un apprenant avant toute évocation d’un problème de « santé » ;
  • Protéger (prévention secondaire) c’est intervenir pour empêcher une situation d’advenir (chercher à transformer une attitude / une représentation encore modifiable pour le candidat quand on perçoit une relation inadéquate au risque de sa part) ;
  • Récupérer ou réparer (prévention ternaire) c’est intervenir après la manifestation d’un problème (la situation individuelle est « incompatible » avec la maîtrise de la conduite automobile).

Pour le formateur, il y a donc plusieurs moyens d’agir et d’orienter son action selon les situations qu’il rencontre avec l’apprenant.

Mais avec quelle vision de la santé et quelles valeurs ?

Une approche globale : Promotion de la santé et Education pour la santé :

La santé a été définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme un « état de complet bien être physique, mental et social  ». En 1986 cette conception de la santé s’est trouvée englobée dans une formulation nouvelle : la « Promotion de la santé ». Les travaux de l’Organisation Mondiale de la Santé ont permis d’aboutir à la formalisation d’une charte internationale, dite « Charte d’Ottawa ». Elle définit la santé comme « une ressource de la vie quotidienne, (../..) mettant en valeur les ressources sociales et individuelles ainsi que les capacités physiques. (../..) Elle dépasse les modes vie sains pour viser le bien être  ».

La Charte d’Ottawa met aussi en avant un point crucial : la promotion de la santé est « le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci  ».

Autrement dit cette vision de la santé reconnaît et promeut deux points essentiels : la santé est plus que l’absence de maladie, c’est avant tout « une ressource  » ; enfin, « être en santé » pour un individu est un « projet de vie qui vise au bien-être  ».

Pourquoi s’appuyer sur la Promotion de la santé pour parler de prévention ?

Parce que le bien-être est une notion plus complexe et subjective de la santé (c’est la santé perçue et vécue) et qu’on ne peut jamais vraiment amener quelqu’un d’autre à vouloir être en santé (je décide pour moi en connaissance de cause parce que c’est ma vie). C’est donc ici que vient s’inscrire l’action pédagogique ; comment accompagner un individu à percevoir sa santé :

  • d’une part comme un projet (préserver sa vie et celle des autres dans l’engagement d’un apprentissage de la conduite) ;
  • et comme une ressource d’autre part (le bien-être est une condition de la sécurité automobile) ?

PEDAGOGIE ET SANTE

 

S’engager dans une approche pédagogique d’éducation à la santé

 

Comment intervenir et construire une action de formation dans la durée ?

Nous avons recours aux moyens suivants :

  • Donner de l’information (en situation d’accueil au bureau, ou au cours de la leçon de conduite) ;
  • Développer une séquence de formation (en situation d’enseignement en consacrant un temps spécifique sur le thème des conduites addictives et à risques) ;
  • S’engager dans une démarche d’éducation pour la santé (travailler tout au long de l’apprentissage à la conduite sur une approche de « sensibilisation aux risques » dans la durée).

Ces trois temps sont bien sûr nécessaires et complémentaires s’il on veut construire une véritable action en faveur de la réduction des risques en privilégiant une démarche éducative, de respect et de responsabilisation de l’apprenant au regard de la situation d’apprentissage à la conduite.

Intervenir pédagogiquement

 

Quelles attitudes pour le formateur ?

 

Plusieurs attitudes – ou niveaux d’intervention – sont possibles pour le formateur en conduite selon l’approche pédagogique qu’il souhaite développer :

  • Niveau 1 : Sensibiliser « en général » aux risques (la conduite automobile, les dangers, les sports à risques, les points de vigilance, etc.) en s’engageant dans la relation dans « un amont de la prise de risques » ;
  • Niveau 2 : Développer une intervention sur les conduites addictives, conduites à risques et addictives en informant afin de prévenir des comportements spécifiques repérés « à risque » dans leur conjugaison (alcool et conduite, etc.) ;
  • Niveau 3 : Repérer des attitudes dans la conduite qui interrogent sur le rapport au risque de la personne ;
  • Niveau 4 : Intervenir et sanctionner en situation de danger perçu et s’engager dans la relation quand le jeune est perçu dans une situation « limite », inadaptée ou inadmissible.

Ici, il est nécessaire de percevoir qu’avec la Promotion de la Santé, nous distinguons un « avant » de la prévention primaire qui est « centrée sur le problème » ou « centrée sur le jeune adulte ». Nous souhaitons promouvoir une « approche généraliste de sensibilisation aux risques centrée sur le projet  » ou style de vie du jeune. Ce qui correspond à notre niveau 1, c’est à dire à une intervention centrée sur une prévention générale des risques et à un « projet de santé » pour le jeune adulte : comment soutenir une action qui vise à la promotion du bien-être et de la responsabilisation ?

Etre formateur dans une perspective d’engagement et de responsabilité sociale :

Cette approche première prend en compte « les éléments antérieurs aux problèmes » ou aux risques spécifiques. Il correspond aussi à un présupposé sur notre public de jeunes adultes que nous savons disposés de fait à une exposition plus grande aux risques. Cette proposition prend aussi en compte la position et la figure du formateur, adulte, « moniteur d’auto-école », qui accompagne le jeune dans un « passage ».

Il y a donc une nécessité d’engagement dans la relation éducative pour le formateur et d’acceptation d’une relation de transmission dans la limite d’une adéquation au projet de l’autre : qu’est ce que signifie pour lui accéder à un statut social de jeune adulte « autonome », « conduire une voiture », « être en santé », « conduire en sécurité », « garantir la sécurité de ses passagers », viser le « bien-être », « prendre des risques », etc.

Ce questionnement est essentiel dans la relation éducative car il va garantir les conditions d’une relation de transmission sûre et un ajustement du formateur aux propositions et représentations de l’apprenant.

Il s’agit en effet de reconnaître toute son importance « symbolique » à ce passage du jeune au statut d’adulte autonome en capacité de maîtriser la conduite automobile. Car dans notre société, le passage du permis correspond bien à « un rituel d’autonomie » et d’entrée dans le monde adulte, signant l’acquisition d’un statut, une liberté et une responsabilité et ce particulièrement pour les jeunes hommes.

C’est donc le moment propice d’une interrogation du « projet d’être en santé dans le cadre de la maîtrise de la conduite automobile » à travers cette épreuve.

Répression versus éducation ?

Sur la question des risques, une approche répressive, si efficace soit-elle (comme on le voit à ce jour sur la question du contrôle de la vitesse) ne prend en compte ni l’autocontrôle, ni la compréhension de son propre comportement. Cette politique se contente de sanctionner un comportement déviant mais ne garantit en rien une évolution qualitative, permanente et continue du comportement routier, particulièrement celle des jeunes dont la réticence est la plus grande quant aux contrôles normatifs et répressifs. La sanction est nécessaire quand il y a infraction, la récidive peut être évitée par la peur mais l’on sait bien que la « peur » engendre par habituation des effets défensifs et des stratégies de contournement : la « peur du gendarme » n’est pas une garantie contre la récidive. Elle génère seulement une adaptation du comportement quand le risque d’être pris en faute surgit. Si la sanction devient éducative c’est parce qu’elle s’inscrit dans un processus éducatif qui lui donne un sens.

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Fonder l’intervention pédagogique en situation

Rappel : Quelques principes et repères pour l’action pédagogique :

 

Nous allons aborder maintenant la question de la transmission en pédagogie, en rappelant les points abordés précédemment, maintenant que nous avons vu ce qu’il en est :

-  d’une approche éducative de la santé dans le cadre de la Promotion de la santé ;

-  de la question de l’engagement du formateur, de ses valeurs à promouvoir ;

-  et d’une finalité assumée : donner aux jeunes « les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé » ;

 

Il s’agit donc maintenant en tant que formateur à la conduite, sur la question des risques et dans la perspective que nous proposons, de construire son message ou son intervention, que ce soit :

  • en situation d’accueil au bureau, ou au cours de la leçon de conduite (en donnant de l’information) ;
  • en situation d’enseignement en consacrant un temps spécifique sur le thème des conduites addictives et à risques (en développant une séquence de formation spécifique sur ce thème) ;
  • en travaillant tout au long de l’apprentissage à la conduite sur une approche de « sensibilisation aux risques » dans la durée (en s’engageant dans une démarche d’éducation pour la santé) ;

Nous vous proposons de nous appuyer sur une distinction utile entre : savoir, attitudes/comportements, et procédures (savoir faire). Construire son  action formative autour de ces trois points doit nous garantir une bonne vigilance dans la transmission et la relation éducative.

Quelles définitions et repères proposer ?

  • Les savoirs : quelles connaissances faut-il avoir sur la santé, les « toxiques », la prévention, le dépistage, les sanctions et les conséquences des comportements addictifs ; que faut-il savoir sur les jeunes adultes en général, la signification des rites de passage, leur psychologie, leur rapport au risque, à la déviance mais aussi sur les addictions, les produits, les modes de consommations ; que faut-il transmettre comme connaissances utiles sur la question de la santé, des risques, des conduites addictives, des « toxiques » ; que faut-il savoir sur ce jeune en apprentissage dans son propre rapport à la santé, à la conduite automobile, son rapport aux risques, sa « sensibilité » aux différents produits, sa vulnérabilité, etc. ; qu’est ce que je perçois de lui au fur et à mesure des leçons, de sa conduite, etc. Tout ce savoir, c’est non seulement une connaissance acquise par les formations au monitorat, à la santé, l’expérience personnelle et professionnelle, les lectures, les échanges ; enfin c’est pour finir un « savoir dire » tant il nous faut reconnaître que nous ne savons vraiment que ce que nous sommes en mesure de pouvoir dire, expliquer et transmettre.
  • Les comportements : les attitudes et façons d’être, souvent appelés savoir-être, sont les manières adéquates de se comporter en situation. L’apprenant dépend ici de l’éducation reçue, du comment est considéré la voiture dans son milieu familial, des valeurs, du rapport transmis aux « toxiques » et aux risques, etc. Quelle est la bonne attitude à adopter au regard de la boisson, quel risque prend-t-on après un verre ou deux, quel type de réaction avons-nous, comment réagir de façon adaptée en situation alcoolisée ?

 

  • Les procédures : souvent appelés savoir-faire, sont les actes effectifs correspondants à la bonne attitude et au bon comportement à adopter en tant que conducteur, ce qu’il convient de faire au regard de la connaissance que l’on a de soi-même dans ce type de situation, nos réactions, etc.

Comment s’articulent-ils ?

Nous proposons de rendre compte de cette articulation avec le schéma suivant.

 


En effet, par ce dessin nous faisons apparaître trois points d’égales importances, reliés par les « représentations ». Dans la relation de transmission, nous fondons notre « savoir de formateur » en nous appuyant sur ces trois domaines : autant de points d’expertises que de vigilances utiles à notre mission éducative – sans perdre de vue que le candidat possède ses propres représentations et que celles-ci constituent essentiellement le point de vue qu’il porte sur lui-même, les choses et le monde.

Une approche psychosociale des compétences

Cette approche de la transmission peut-être utilement complétée par une approche des compétences psychosociales, notamment autour de « l’estime de soi » qui est un bon outil de compréhension du rapport au risque.

 

Didier FAVRE

CYES

Juillet 2004

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